Facebook
Twitter
LinkedIn

 

Dans notre benchmark 2018 notamment dédié aux RSE, nous proposons une tribune à quelques uns des acteurs historiques du marché français à travers 6 questions, très ouvertes, qui permettent de réfléchir à certaines problématiques d’aujourd’hui, et à essayer de dresser un bilan du marché des RSE après environ 10 ans d’existence. En voici un condensé.

Pour plus d’informations un webinaire de présentation du Spectrum Benchmark sera organisé le mardi 15 mai à 14h30. Cliquez ici pour vous inscrire.

I. Un grand nombre de collaborateurs amène ses problématiques de gouvernance, de diversité des métiers. Comment répondre aujourd’hui à un besoin d’outillage collaboratif global?

Sur ce point, nous souhaitions avoir les points de vue a priori divergents des éditeurs interviewés puisque IBM et Jalios semblent pouvoir s’adresser plus souvent à de grandes populations d’utilisateurs  quand Elium, Jamespot ou Talkspirit semblent plutôt équiper des équipes spécialisées, quitte à avoir plusieurs instances du produit dans une grande organisation.

Alain Garnier (Jamespot) pense en effet : « il faut avoir une pensée additive sur le sujet. Il faut offrir à chaque employé une expérience personnelle forte et productive ET fournir à un niveau processus et départemental un outillage dédié au métier ET fournir à l’organisation un outil de communication et de collaboration global ». Timoté Geimer (Elium) dit même : « à ce jour, les plateformes d’apparence généralistes semblent désuètes », dans le sens où proposer un maximum de fonctionnalités peut nuire à une vraie adoption transverse, mais qu’une plus faible couverture fonctionnelle bien pensée et intégrée au SI peut être plus pertinent. Philippe Pinault (TalkSpirit) ajoute : « Le RSE, par sa capacité à connecter toute l’organisation, est l’outil qui offre le meilleur potentiel pour être le support des pratiques collaboratives », mais nuance en alertant sur l’apport de briques spécialisées qui peuvent nuire à l’expérience utilisateur, vecteur d’adoption.

Pierre Milcent (IBM) explique bien ce double besoin de collaboration : le transverse (communication, partages de ressources, questions, …), et le spécialisé (projet, CRM, …). 2 types de collaboration qu’il faut outiller. Il pense alors : « il y a fort à parier que les règles qui vont s’appliquer sont celles de la gouvernance de l’entreprise pour faire adopter les outils standards sans dérogation, ou à contrario ce sera l’apparition d’un catalogue de solutions disparates adaptées à un contexte mais qui ne conviendront pas de façon transverse, au risque de voir continuer les cloisonnements organisationnels. ». Vincent Bouthors (Jalios), évoque le « Shadow IT » et alerte sur ses problèmes de sécurité et de cohérence avant de partager sa vision : « Chez Jalios nous partageons la vision d’une plateforme qui réunit un grand nombre de fonctionnalités de façon cohérente et se montre ouverte non seulement à différentes suites bureautiques et différentes solutions de messagerie mais est aussi capable d’agréger des applications tierces ».

S’ils sont tous d’accord sur le fait qu’un outil doit d’abord être adopté avant de répondre à ses promesses, les avis divergent logiquement quant à la taille fonctionnelle de la solution à proposer. Une grande solution cohérente et adaptative vs une solution plus épurée, plus facile à adopter, connectée aux spécialistes.

II. Peut on envisager le futur du RSE comme une cohabitation d’outils sociaux spécialisés? Doivent ils s’intégrer les uns aux autres systématiquement?

Cette question reprend la suite de la précédente en ouvrant la réflexion sur l’intégration des outils entre eux.

Ici, Alain Garnier pense tout d’abord que le marché arrive à une certaine maturité, étant donné la richesse des app store et des catalogues de connecteurs, quand Timoté Geimer pense au contraire que les intégrations proposées par les éditeurs doivent encore évoluer pour améliorer les ponts entre les solutions.

Pierre Milcent, lui, souligne : « La spécialisation des outils présente en effet un risque important de voir se reproduire un cloisonnement des activités […]. L’intégration est souhaitable pour réutiliser des services communs bien connus, comme la sécurité, le profiling ».

Vincent Bouthors estime qu’une intégration systématique des outils spécialisés n’est pas forcément nécessaire : « Intégrer ces applications semble séduisant mais le résultat est décevant car une intégration poussée obligerait à faire évoluer les applications. Au-delà des problèmes techniques, il y a un problème d’ergonomie et de cohérence conceptuelle. ».

Enfin, Philippe Pinault lui livre sa conviction que les outils spécialisés, voire métier doivent être intégrés intelligemment aux RSE : « nous avons la conviction que les bots joueront un rôle important dans l’accès aux informations et les actions pouvant être effectuées sur ces applications sans quitter la plateforme ».

Là encore, les visions ne vont pas toutes tout à fait dans le même sens. Tous sont d’accord sur le fait que les outils purement métier ont de beaux jours devant eux et qu’il est intéressant des les intégrer au flux du RSE, mais pour les outils transverses spécialisés, on peut faire le choix d’une solution globale capable de garder la continuité de l’expérience utilisateurou d’une solution en flux intégrée aux applis quand c’est pertinent. Dans ce dernier cas, la tendance va aux bots et à l’intelligence artificielle. Des technologies encore jeunes mais pleines de promesses.

III. Autrefois, les éditeurs RSE arrivaient souvent avec une proposition forte, il s’agissait alors de vendre sa vision des nouveaux usages collaboratifs. Est ce toujours vrai aujourd’hui?

Nous constatons maintenant une meilleure maturité des organisations sur les nouveaux usages proposés par les RSE. Elles comprennent les concepts, savent mieux ce qu’elles veulent et veulent pas. Il y a quelques années, les éditeurs avaient un travail de sensibilisation à ces nouvelles technologies. Qu’en est il aujourd’hui?

Alain Garnier pense en effet que :  » On est de moins en moins dans une vente de « vision » […]. On est davantage sur une phase de « comment » où les entreprises et les porteurs de projet veulent comprendre et tester ». Philipe Pinault le rejoint : « En 10 ans, le RSE s’est imposé comme un outil clef de la transformation digitale des organisations. Pour les dirigeants et directions métiers,[…] la question porte moins sur le pourquoi que sur le comment. » Pierre Milcent, lui estime qu’une sensibilisation est encore nécessaire : « Les nouveaux usages ne sont pas tous si nouveaux pourtant leur adoption n’est pas effective massivement. Donc il s’agit davantage de continuer à faire valoir la valeur de ceux-ci que d’en imposer de nouveaux ».

Vincent Bouthors, arrivé sur le marché bien avant l’avènement des RSE avec la solution Jalios, rappelle : « En se centrant sur les personnes et en facilitant les conversations transverses, les éditeurs de RSE « pure player » prétendaient profondément révolutionner les entreprises dans leurs pratiques managériales. On a assisté à une surenchère de promesses ». Tous n’ont en effet pas survécu à leurs approches parfois trop radicales…

Raphael Briner, lui en profite pour souligner un point intéressant :  « Les RSE venaient remplacer des outils de gestion documentaires devenus trop complexes. Avec les années, ils se sont eux-mêmes complexifiés, pour répondre aux envies de chaque département. »

Le mode de vente a donc bien évolué. Même si une part de sensibilisation est encore nécessaire, il ne s’agit plus de vendre une approche révolutionnaire, mais de convaincre sur des notions présentes dans la plupart des solutions qui intègrent maintenant des concepts qui ont fait leurs preuves.

IV. On constate cette tendance de la proposition de productivité par la conversation instantanée. Quel avenir pour ces solutions alors que des initiatives émergent déjà pour tenter de pallier à certaines limites fortes comme la perte rapide de l’information dans le flux?

Pas ou peu positionnés sur le segment du succès de Slack, il était intéressant d’avoir l’avis de ces éditeurs sur cette tendance, ses atouts, ses défauts.

Pierre Milcent (IBM) est persuadé que ces solutions ont un avenir mais qu’effectivement une nouvelle gestion de l’information doit être faite. Il dit : « Nous pensons que les solutions cognitives sont une assistance essentielle pour assister l’utilisateur à accéder au mieux au contenu important pour lui. »

Timoté Gueimer (Elium), lui pense que ces outils devraient rester sur leurs spécialités et dit : « Slack et ses concurrents doivent être considérés comme des outils de productivité ciblé sur les petites équipes. Ces outils favorisent la collaboration synchrone au quotidien mais ne prétendent pas résoudre tous les problèmes que peut rencontrer une organisation. » Alain Garnier, souligne lui aussi la perte d’information dans ces plateformes, et propose que le contenu soit plutôt qualifé en amont :  » C’est un enjeu d’innovation constant et sur lequel on travaille par exemple chez Jamespot en essayant de transformer le plus en amont des messages en objets métiers afin d’avoir des ensembles de données plus exploitables que de simples textes ». Vincent Bouthors aussi, alerte sur ces informations trop « jetables », et propose des solutions.

Philippe Pinault, de son côté croit en la complémentarité d’un module de tchat performant et d’une plateforme en flux : « Nous pensons que le tchat reste un support idéal de productivité et le support naturel pour le développement de bot. Notre vision du travail, en interaction avec des applications métiers adressées par des bots, accorde donc une place essentielle au tchat dans une approche différente du “tout-tchat” et des limites de cette approche »

V. Quel est pour vous l’avenir de la notion d’intranet dans les plus grandes organisations, historiquement un site web charté aux couleurs de l’entreprise destiné à la communication?

Il s’agit ici d’une question large qui ouvre la réflexion sur la notion actuelle d’intranet. Alain garnier confirme qu’il est « en pleine mutation ». « D’un « beau site » on va privilégier l’accès aux outils selon les personnes. » Pierre Milcent est convaincu que la notion d’intranet perdurera mais qu’elle doit s’adapter : « Toutes les approches collaboratives ne peuvent prétendre proposer une vue unifiée des sources dont a besoin un utilisateur à un instant. Cette fonction dévolue à l’intranet doit s’enrichir des interactions apportées par ces nouveaux environnements. ». Che Elium également, Raphael Briner pense que « La notion d’intranet est en train d’être supplantée par la notion de workplace ».

Vincent Bouthors, lui constate néanmoins que le besoin d’une charte se fait encore ressentir chez les utilisateurs : « Nous constatons que les moyennes et grandes entreprises souhaitent encore appliquer leur charte graphique qui porte une image de l’entreprise et s’avère utile pour développer un sentiment d’adhésion ». Philippe Pinault tend à le rejoindre : « Chez nos plus grands clients, nous recommandons de conserver un intranet pour des contenus “froids” ou stables et de déplacer la plupart des contenus d’actualités sur le réseau social d’entreprise pour lesquels la direction de la communication interne pourra orchestrer la production et diffusion des contenus en adoptant des formats modernes, proches des usages et attentes de leurs collègues. »

 

VI. Il y a encore quelques années, on nous promettait le zéro mail interne avec les RSE. où en sommes nous aujourd’hui avec cet objectif?

Vincent Bouthors nous remémore l’annonce du « zéro mail » d’Atos en 2011, a l’époque futur propriétaire de Bluekiwi, un outil maintenant disparu. Echec commercial ou repositionnement stratégique, toujours est il que cette promesse (pas uniquement portée par Atos!), s’avère surtout être marketing. Le mail est encore loin d’avoir disparu en interne, et il indique même que « Google, IBM et dans une moindre mesure Microsoft s’appuient sur leur outil de mail pour proposer une organisation du travail. Ils profitent surtout d’une position de force mais le mail possède des défauts incorrigibles. » En effet, Pierre Milcent estime que « le mail reste un outil de communication indispensable pour toute organisation. Le mail doit porter une promesse d’usage meilleur que cela a été ».

Alain Garnier, lui, souligne quand même que les chiffres montrent que « La part du mail dans les échanges et la communication baisse. Mais elle baisse tout doucement. » et estime que « les solutions comme les nôtres déplacent le curseur et continuent à grignoter le mail lentement … mais surement ! ».  Philippe Pinault pense même « que l’usage de l’email en interne peut être remplacé intégralement par de nouvelles pratiques sur un RSE, pourvu que le RSE dispose des qualités d’UX adéquates. »

Raphael Briner ajoute à juste titre que « ce n’est plus vraiment une question d’outil mais une question de culture, d’ouverture et de maturité digitale ».

En effet, Le zéro mail interne semble être un voeux pieux, mais les plateformes collaboratives d’aujourd’hui ont la capacité de lui redonner un usage cohérent pour éviter la surcharge, pourvu que la culture d’entreprise suive…

Auteur de l'article :
Dora Annabi

Dora Annabi